Laissez les images du passé entre les mains de cinéastes magiciens et ils trouveront le moyen de vous parler du présent. Ils nous questionnent également : Comment une image devient-elle une archive ? A partir de quand ? De la vie des lapins pendant la seconde guerre mondiale à la chute des dictateurs, Kings of Doc vous a sélectionné quelques pépites pour cette première édition de l’année !

L’autobiographie de Nicolae Ceausescu réalisé par Andrei Ujica – Roumanie – 2010 – 180min

« En fin de compte, le dictateur n’est qu’un artiste qui a la possibilité de mettre totalement son égoïsme en pratique. Ce n’est qu’une question de niveau esthétique, qu’il s’appelle Baudelaire ou Bolintineanu, Louis XVI ou Nicolae Ceausescu. » (Andrei Ujica)

Rabbit à la berlin réalisé par Bartek Konopka & Piotr Rosołowski – Pologne/Allemagne – 2009 – 39min

Chassés de partout, les lapins de garenne se retrouvent enfermés entre 2 hauts grillages lors de la création du mur en 1949. Un vrai refuge : préservés des prédateurs par des sentinelles qui les surveillent 24 heures sur 24, ils ont à leur disposition de l’herbage à foison et des abris antichars pour se protéger du soleil. Les hommes, même s’ils ont un comportement étrange, ne leur tirent plus dessus. Jusqu’au jour où quelques rebelles décident de creuser sous le mur.

The art of disappearing réalisé par Bartek Konopka & Piotr Rosolowski – Pologne – 2003 – 53min

En 1980, Amon, un prêtre vaudou haïtien, est invité en Pologne par le metteur en scène Jerzy Grotowski. L’expérience de ce nouveau pays et le souvenir de ses ancêtres, des déserteurs polonais de l’armée de Napoléon qui contribuèrent à libérer Haïti de l’esclavage, inspirent à Amon un sentiment de reconnaissance. Il devra aider les Polonais. Un récit visionnaire et des images d’archives racontent la chute d’un régime.

Un mito antropologico televisio réalisé par Alessandro Gagliardo, Maria Helene Bertino & Dario Castelli – Italie – 2011 – 56min

« Des traces de sang au sol, une chorale d’enfants, un procès, un jeu télévisé, des manifestations, une allocution politique, etc. Le lien entre ces images ? Avoir été produites par une télévision locale de Catane, en Sicile, entre 1991 et 1994, période marquée par les assassinats en 1992 à Palerme des juges Falcone et Borsellino et précédant l’accession au pouvoir de Berlusconi.Plus décisif encore, il y a ce que produit le montage, fait de coupes sèches et de collages imprévisibles, qui relie ces fragments selon une logique tout sauf linéaire. Ainsi réagencés, ces rushes fractionnés, provenant de scories de reportages vouées au rebut, dévoilent un double mouvement. Ils interrogent, d’abord, l’histoire de cette province et de ses habitants se constituant comme communauté à l’écart. Ils défont, ensuite, les modalités de représentation induites par le système narratif propre à la télévision, qui, on le sait, rapporte moins les événements qu’elle ne façonne notre regard. Telle est la manière dont le mythe anthropologique annoncé par le titre, est ici interrogé. Avec, supplément étonnant, une fois la part idéologique repérée, le potentiel de beauté propre à ces images, que soulignent ces moments furtifs saisis comme autant de trouées dans le fil narratif dont ils débordent. Un hommage à l’utopie toujours possible d’une télévision qui accéderait à l’évidence brute d’une pratique réellement populaire, à un moment où va basculer tout autrement l’action collective. » (Nicolas Féodoroff, FIDMarseille 2012)

Les trois disparitions de Soad Hosni réalisé par Rania Stephan – Liban – 2011 – 70 min

Immense star du cinéma égyptien, Soad Hosni a tourné dans plus de quatre-vingts films, depuis sa rencontre avec Henri Barakat à la fin des années 1950. Son suicide en 2001 à Londres demeure inexpliqué : « Te souviens-tu ? », lui demande la réalisatrice Rania Stephan, par le biais de Nahed, l’un de ses personnages, comme pour recueillir d’outre-tombe la parole de la « Cendrillon » du cinéma arabe – ou son Aphrodite.Qu’est-ce qu’une filmographie dit de son actrice ? Quelles correspondances tisser entre une vie et une œuvre, sans verser dans la critique historique ou le sainte-beuvisme ? Le pari de Rania Stephan est osé : divisé en trois actes et un épilogue, Les Trois Disparitions de Soad Hosni est un formidable patchwork d’extraits de films, à l’exclusion, semble-t-il, de toute autre source (archives ou images d’actualités), dont la trame entend se superposer à la vie de l’actrice. Quoique : enfance et relation à ses parents, découverte de l’amour, tristesse et déceptions, les grandes catégories retenues par Stephan sont trop générales pour rien dire.Elle investit ainsi un terrain d’ambiguïté, structuré par la répétition et la variation, sans guider le spectateur ainsi laissé à son vertige : aussi, à défaut d’éléments biographiques précis, peut-on goûter à nouveau l’extraordinaire fascination suscitée par Soad Hosni – dans l’Egypte de Nasser, son érotisme ravageur et éminemment moderne.

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Coup d’état contre Chavez réalisé par Donnacha O’Briain a Kim Bartley – Allemagne/France/Pays Bas/Royaume Uni/Irlande – 2003 – 74min

Drame en trois actes d’Hugo Chávez à la tête du Venezuela. Acte I : son programme de président élu par et pour le peuple. Acte II : le coup d’État qui manqua de le renverser définitivement. Acte III : son retour surprise au pouvoir, moins de 48 heures plus tard. Ce film invente un nouveau genre de reportage. Rien n’y manque, ni la saisie live des péripéties, ni les visites en coulisses et l’intimité avec Hugo lui-même, ni ce qu’il faut bien nommer le souffle chaud de l’événement. Haletante, cette chronique se creuse par endroits d’une analyse en direct des manipulations militaires et médiatiques qui préparèrent le coup d’État.